Deux poids, 2 mesures.
Encore et toujours!


L’enseignement supérieur en Communauté française évolue régulièrement
avec en ligne de mire les impératifs européens ; ceux-ci, utilisés comme
épouvantails, permettent de contraindre les directions locales à prendre des
décisions que personne ne juge urgentes. « On » nous présente ce
mouvement comme irrésistible et visant à une meilleure efficience de
l’enseignement par une harmonisation généralisée. Malheureusement, tout
le monde n’est pas logé à la même enseigne et certaines différences de
traitement venant du monde politique sont assez difficilement justifiables.

Les incitants aux regroupements. Tout le monde est en vacances, quand nous apprenons, le
18 juillet 2008, que le gouvernement de la Communauté Française a approuvé un avant-projet
de décret concernant la fusion de la FPMs et de l’UMH ainsi que la création de nouveaux
cursus au sein de certaines universités. Le gouvernement s’engage de plus à réserver 30
millions d’euros supplémentaires pour les universités à partir de 2010. C’est évidemment une
bonne nouvelle pour les universités dont l’évolution du financement par étudiant à charge de
la Communauté française a diminué de façon régulière depuis 8 ans, comme dans l’ensemble
de l’enseignement supérieur[1]. Le Gouvernement annonce de plus que « ces nouveaux moyens
éviteront en outre à certaines universités de voir leur allocation de fonctionnement diminuer
parce qu’elles auraient bénéficié des mécanismes financiers favorisant les collaborations ou
les fusions au sein des académies universitaires. Vu le système d’enveloppe fermée, elles
risquaient de perdre d’un côté ce qu’elles gagnaient de l’autre
»[2]. Pourquoi cet argument
apparemment si pertinent pour les universités tombe-t-il quand il s’agit de « moderniser » les
Hautes Ecoles en 2006 ? Manifestement « déshabiller Pierre pour habiller Paul » ne pose
aucun souci à la Ministre Simonet quand il s’agit d’inciter les Hautes Ecoles à fusionner!!

Aide à la réussite. Quatre années après des mesures prises en faveur des étudiants des
universités, le Gouvernement de la CF vient de débloquer des moyens supplémentaires[3] afin
d’œuvrer à la réussite des étudiants de 1ère année dans les HE. Le Conseil d’Etat a rendu, à nos
yeux, un avis[4] très éclairant dont nous partageons les arguments. Si certaines mesures
s’inspirent de celles prévues en faveur des étudiants des universités, elles présentent
cependant des différences notables. Le législateur impose en effet l’affectation obligatoire et
spécifique de personnel de la HE à l’aide à la réussite alors que cette mesure n’est pas prévue
pour les universités. Il prescrit l’organisation de l’enseignement en petits groupes avant le 1er
décembre de chaque année académique alors qu’aucune date n’est fixée pour les universités.
Enfin, le Gouvernement exige une politique ciblée sur les populations socio-économiquement
défavorisées et la mise en place d’une formation destinée à améliorer des compétences
langagières, alors que ces obligations ne sont pas imposées aux universités. Par ailleurs,
plusieurs dispositions prévoient des mesures d’aide à la réussite qui n’ont pas leur pendant
universitaire comme l’instauration d’un programme de tutorat, l’évaluation des enseignements
par les étudiants ou encore la conclusion d’une charte entre la HE et l’étudiant. Pour le conseil
d’état, « il convient soit d’être en mesure de justifier au regard du principe d’égalité, soit
d’harmoniser les dispositions relatives aux mesures d’aide à la réussite qui s’appliquent aux
Hautes Ecoles avec celles qui s’appliquent aux universités.
» Et sans oublier que rien n’est
prévu pour les Instituts supérieurs d’architecture ou la promotion sociale, comme d’habitude
devrions-nous écrire.

La réussite partielle. Tout part évidemment d’une bonne intention ! Dans les universités, les
jurys ont, depuis 2005, la possibilité de prononcer la réussite d'une année d'études dès que
l'étudiant y a acquis au moins 48 crédits. Dans ce cas, le solde des crédits doit être
intégralement obtenu au cours de l'année d'études suivante. Le législateur a souhaité élargir
cette mesure aux Hautes Ecoles mais en ajoutant des contraintes supplémentaires, privant
leurs jurys (bien moins mâtures ou responsables qu’à l’université, c’est bien connu !) d’une
marge de manœuvre d’appréciation pour le bien de l’étudiant. En effet, dans les Hautes
Ecoles le jury doit prononcer la réussite d'une année d'études dès que l'étudiant a acquis
durant cette année d'études un ensemble d'au moins 48 crédits (ou le cas échéant, le nombre
de crédits de l’année d’études moins 12 si elle porte sur plus ou moins de 60 crédits) pour
chacun desquels il a obtenu au moins 50 % des points et pour l'ensemble desquels il a totalisé
au moins 60 % des points. Les 12 crédits résiduels ne doivent cependant pas avoir été définis
comme pré-requis nécessaire à la poursuite des études. Conçue pour donner une chance en
plus des sessions d’examens, cette faculté risque d’être bien souvent un miroir aux alouettes !
En effet, une épreuve normale est déjà très lourde et difficile. Y ajouter jusqu’à un cinquième
d’examens en plus n’est à la portée que des meilleurs. Les étudiants concernés n’ont pas le
choix : ils sont obligés de passer dans l’année suivante, alors que parfois le bon sens
conduirait ceux-ci à choisir de doubler. De plus, s’ils renoncent à ce droit, ils ne sont plus
finançables! D’autre part, les écoles ne sont pas tenues d’organiser les horaires afin que ces
étudiants en réussite partielle puissent suivre les crédits résiduels. Enfin, l’étudiant qui rate les
crédits résiduels perd 2 années car il ne peut pas se réorienter via des passerelles.

Les « Poulidor » de l’enseignement supérieur. Les quelques exemples évoqués dans cet
article mettent en évidence des différences de traitement difficilement explicables entre les
institutions d’enseignement supérieur. Ainsi, pourquoi à partir d’un principe commun faut-il
imposer des règles systématiquement plus contraignantes aux Hautes Ecoles ? De telles
décisions ne sont-elles pas de nature à brouiller la lisibilité et la compréhension du
fonctionnement de l’enseignement supérieur, notamment pour les étudiants et leurs parents ?
Le CGHE a régulièrement demandé d’élargir des mesures prévues pour les universités dans le
décret du 31 mars 2004. Pourquoi n’est-il pas entendu ? Et pour terminer sur une
discrimination que nous trouvons scandaleuse au dépend des universités : à quand une
formation pédagogique obligatoire comme le CAPAES pour les enseignants universitaires ?
« Il est primordial que tout le monde soit traité sur un même pied »[5] et ce n’est clairement pas
le cas.

Jacques Neirynck
Président du secteur supérieur
CSC-E 5

 

[1]  Voir les chiffres de l’ETNIC de 2007.

[2]  Le soir du vendredi 18 juillet 2008

[3]  Une somme de 3 millions à partir de 2009, soit 1% de la somme consacrée aux HE.

[4]  Avis 44.778/2 du 26 juin 2008.

[5] Comme disait le recteur Coulie dans le Soir du 6 septembre 2008 !